vendredi 9 mai 2008

Céline, Karine, Camille et la poupée..




Avant janvier 2001, je ne connaissais pas ce qu’est la fibrose kystique. Ah, je connaissais le nom et la porte-parole, mais c'est tout. Je revois encore une image floue devant notre meuble-télé des années 80 : assise sur le divan orangé du salon, les bas aux genoux et la coupe de cheveux des p’tits Simard, je devais avoir 7 ou 8 ans, je pense. Pierre Marcotte recevait à son émission une future vedette internationale avec des dents à faire peur et une chevelure digne d'une pub d’anti-frisotis. Avec elle, une petite fille, à la blancheur de l'aurore, a l'air d'avoir mon âge. Assise sur un tabouret, juste à côté de la vedette, elle ne la quitte pas du regard, pendant toute l’interprétation de la chanson «  Mélanie ».... Après cette prestation remplie d'émotions, Céline Dion présente la petite fille blanche, sa nièce, Karine, atteinte de fibrose kystique. 

Une autre anecdote dont je me souviens, c’est ce que racontait ma mère, chaque fois qu’elle parlait de l’hospitalisation mineure de ma grande sœur : "La maman à côté, je t’assure qu’elle devait frapper sa fille pendant une bonne demi-heure. Ce n’est pas drôle, pauvre petite !" 

J'ai aussi pensé à Céline une nuit de fin janvier 2001.  Je berçais Camille dans cette inconfortable chaise berçante, son corps amaigri et luttant pour respirer. Elle venait d'être admise à l'hôpital de Shawinigan pour une vilaine bronchiolite.  Vous savez  le fameux "On la garde ici" qu'un médecin vous annonce quand l'inquiétude vous habite. C'était juste avant l'annonce officielle de la maladie,  les sarraus blancs tentaient de m’y préparer avec une espèce de rumeur qu’ils laissaient planer.

Je me revois, les deux mains sur le comptoir du poste de garde des infirmières, demandant une information quelconque.  "Céline a eu son p'tit", dit l'infirmière habillée de blanc à l'autre en rose bonbon pâle.

Je suis retournée à la chambre et j'ai caressé le visage de ma petite que je venais de poser sur mon sein. Elle essayait de boire mais chaque tétée lui demandait un effort. J'ai replacé le petit fil transparent sous son nez pour l'aider. Elle venait tout juste d'avoir 7 mois.

 Je me suis alors demandé, à cet instant précis,  si Céline avait eu peur elle aussi d'avoir un enfant malade comme sa nièce.  C'était encore juste une rumeur au-dessus de nous cette maladie…. Pour la première fois de ma vie, je me suis dit que dès que je sortirais mon bébé de ce lit d’acier inoxydable, je m’empresserais de verser un don à AQFK en guise de compassion.

Finalement, j'ai compris quand j'ai frappé moi-même sur une poupée de chiffon en février 2001 au 6e étage de  l'hôpital pédiatrique. Je devais acquérir une nouvelle compétence parentale. 

J'ai su aussi que la plupart des membres de la clinique FK de cet hôpital pédiatrique avaient connu Karine. En 2001, 8 ans après sa mort, sa photo était toujours à côté de l'ascenseur du département. Je l'ai vu pendant 3 semaines ce cadre un peu défraîchi, laminé et vissé mur.
C'est fou comment la blancheur aurorale que j’avais remarquée chez Karine me revenait à la mémoire. J'essayais de fixer les chiffres plus hauts à la place. Je voulais juste aller prendre un café au sous-sol, le temps d'oublier que maintenant la fibrose kystique n'était plus une bataille inconnue.